Medelha

 

Médée, de Max Rouquette

Médée

Drame traduit de l'occitan par l'auteur

Éditions Espaces 34 (3e édition, 2003)
Disponible. Voir la présentation sur le site de l'éditeur

Création en 2003 par Jean-Louis Martinelli au Théâtre de Nanterre-Amandiers. Reprise en 2008-2009 dans une nouvelle version.
Un DVD a été réalisé à l'occasion d'une représentation donnée en juin 2008 au festival de Naples. En savoir plus sur ce DVD

Paru également en juin 2008 : une édition pédagogique, en français, aux éditions Magnard dans la collection Classiques et contemporains.

 

Non encore créée en occitan, Médée l'a été deux fois en français, chaque fois de façon originale. Le théâtre de Mathieu a monté la pièce avec des marionnettes de taille humaine à la façon du bunraku japonais. Le théâtre des Amandiers de Jean-Louis Martinelli en a proposé en 2003 une mise en scène interprétée par des comédiens burkinabés (psaumes chantés en bambara sur une musique du Sahel par un choeur de griotes), qui a eu un succès national. La voix tragique de Médée chantait la poésie de l'errance et du nomadisme en s'ouvrant aux dimensions du désert.

 

On connaît la tragique histoire de Médée, sans doute inventée, en tout cas écrite pour la première fois par Euripide. Médée, délaissée par Jason qui vient de l'abandonner pour épouser la fille du roi de Corinthe, se venge en tuant les deux enfants qu'elle a eus de lui.

Max Rouquette suit au plus près la pièce d'Euripide, dont il efface seulement la scène centrale d'Égée rendant visite à Médée après son bannissement de Corinthe, scène destinée à flatter l'amour propre national des Athéniens qui constituaient le public de la tragédie. Le projet de Max Rouquette n'était pas de récrire un autre scénario, mais d'installer dans un canevas classique, qui avait ses preuves, un imaginaire et une thématique capables de nous parler, tout en respectant le sens du mythe.

La trouvaille la plus originale de Max Rouquette, son « coup de génie » a été de faire de Médée une « caraque », une bohémienne, livrée au vide et à tous les vents de l'errance. Le double thème de l'errance et du vide transfigure toute la pièce. Depuis qu'elle a trahi son père et son pays, allant jusqu'à tuer son propre frère pour aider Jason à s'emparer de la toison d'or (elle va même jusqu'à découper son corps en morceaux qu'elle jette dans la mer), elle n'a cessé d'errer avec lui et leurs deux enfants. Sa seule patrie est désormais Jason pour qui elle a commis des crimes inexpiables. Or voilà que cet homme se lasse de cette femme et de leur vagabondage sans fin. Il veut s'établir, « faire une fin », épouser une femme plus jeune, renoncer à la vie nomade pour devenir à son tour roi de Corinthe. La pièce est construite sur cette opposition constante sédentarité-nomadisme, qui donne lieu à des passages d'une poignante poésie. Lié à celui-ci, le thème du vide « emplit », si l'on peut dire, toute la pièce sous différentes figures, le désert, le chemin, le vent, l'immensité du monde. La tragédie s'achève sur un morceau de pure poésie, le psaume du néant.

Car c'est une autre trouvaille de Max Rouquette : il a maintenu le choeur antique, mais a mis dans sa bouche des poèmes intitulés psaumes, qui prolongent tel ou tel thème des dialogues (psaume des chemins, de l'étranger, de l'abandon, de l'angoisse, puis du néant). Ces psaumes sont destinés à être chantés et l'ont été, en bambara, langue du Sahel, dans la mise en scène en français de Jean-Louis Martinelli.

Le personnage lui-même est original. Médée représente la vérité aveuglante et son éclat insoutenable, l'état d'incandescence où porte la passion à son paroxysme, quand les sentiments se confondent en un seul métal en fusion, amour, haine, mépris, jalousie, désir de vengeance, envie de meurtre. Comme la science ou la démence, Médée se situe au-delà du bien et du mal.

 

(J-C.Forêt)

 


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